Je lis.
Un peu, des fois, suivant les humeurs, les lieux, les achats et les conseils. Surtout les conseils.
En la matière, au delà du cocon familial qui s'apparente encore à mon éducation de jeune fille (femme? - olalala), j'ai mes deux conseillères préférées (j'en parlais déjà ici), je leur voue une confiance aveugle quant aux choix de mes lectures, je n'ai jamais été déçue!
Dernièrement, j'ai reçu, dans un petit paquet glissé sous ma porte par le facteur :
Nord Perdu, de Nancy Huston,
Venu directement des conseils de mamareine, une de ces conseillères. Il se devait d'être lu avant mon retour.
J'ai commencé, et j'avance à petit pas parce qu'il est assez fort pour moi (le temps de posté le message et je l'ai terminé). J'ai parfois l'impression que l'auteure a pris mes pensées, mes sensations et les écrit avec les mots les plus justes.
Il y a des passage, comme celui qui suit, qui m'ont profondément touché.
"Ça y est, vous commencez à perdre le nord.
Car même si, avec le passage des années, les communications s'étaient espacées, vos amis et parents de là-bas étaient toujours présents dans votre esprit comme les témoins imaginaires de votre vie d'ici. C'est à eux que, année après année, vous racontiez et expliquiez tout ce que vous faisiez. Dans votre tête, ils s'étonnaient, commentaient, posaient des questions et admiraient vos réponses... Ils épousaient votre regard et votre point de vue, s'émerveillant sans cesse de l'aisance avec laquelle vous évoluiez dans ce monde étranger. (Oui : de façon paradoxale, tout en s'affranchissant plus radicalement de sa famille que ceux qui demeurent sur place, l'expatrié leur reste souvent inféodé sur le plan imaginaire. Il leur soumet ses choix, sollicite leur approbation, compte sur leur soutien.)
Mais la réalité - dure, comme les réactions ont tendance à l'être -, c'est que vous êtes pour ainsi dire absent de là-bas. Vos ex-proches ne perdent pas leur temps à vous imaginer dans votre nouvelle vie, quelle idée! Ils n'imaginent rien du tout. Ils ne connaissent pas, donc ils s'en moquent. Ils ont d'autres chats à fouetter. Si vous figurez encore dans leur horizon mental c'est, sauf exception, de façon sporadique, éphémère, en pointillé. L'exception, quand vous avez de la chance, ce sont vos parents : il est rare qu'ils vous oublient tout à fait, ou que vous leur deveniez à cent pour cent indifférent ; votre place dans leur cœur, bien que vague, est garantie et grande ; elle ne peut être ni usurpée, ni abolie. Mais la règle c'est quand même cette terrible et naturelle propension du vide à se remplir. Vous n'avez pas laissé, en partant, de trou béant. L'existence des autres, là-bas, est pleine comme un œuf.
Eh oui. C'est comme ça. personne n'est impressionné par ce que vous faites. Depuis toutes ces années, persuadé d'épater une galerie lointaine, vous vous livrez à vos acrobaties devant une salle déserte.
Ça y est. Brusquement, irréversiblement, votre témoin intérieur s'évanouit.
Vous êtes seul."
Désorientation
page 28
Bon, j'ai bien conscience que cet extrait est un peu pathétique. Mais il expliquerait presque le pourquoi du comment de ce blog. Et puis oui, je vous parle dans ma tête, beaucoup, un peu tout le temps. Un peu à tour de rôle. Un peu tous en même temps. Et pour cela, j'aime beaucoup, énormément vos petits mots ici, même quand moi je ne suis pas vraiment bavarde.