Quel drôle de chemin que celui de l'avenida
Quel drôle de chemin que celui de l'avenida Corrientes entre 9 de Julio et Callao. La nuit est tombée, il est 19 heures. En France, les vitrines se remplieraient de Père Noël, de vert, de blanc, de rouge, de doré et d'argent. Ici, non. Pas de fête. Il paraît qu'il y a la semaine des douceurs, ou quelque chose du genre, prétexte à bonbons, à sucré et à réconfort : mais de noël au coin du feu, non. Il n'empêche qu'il fait froid.
Je remonte l'avenue. Cet étrange bout de ville, vestige d'une autre époque, mais vestige encore plein de vie. Les librairies succèdent aux théâtres. Du culturel cheap où les mauvaises affiches n'attirent pas vraiment au divertissement, les librairies sont emplies de bouquins bon marchés, non triés, d'occasion, ou non, mais en réduction. Viennent ensuite les confiterias et chocolateries où les vitrines de St Valentin à l'année sont aussi écœurantes que le chocolat doit être sucré : "sos mi bombón", "Vida mia" et autres slogans sirupeux en glaçage m'accrochent le regard. Les confiterias s'emplissent à cette heure où l'on cherche le réconfort : froid nostalgique propice au chocolate caliente con churros dans un décors de ce que j'imagine être l'Argentine de la belle époque, une presque copie d'un style de capitale européenne ; c'est l'avant crises, l'avant corruption, l'avant dictature militaire, la culture flamboyante, la jouissive liberté post coloniale, l'Europe magnifiée.
Le feu rouge stoppe le flux de voitures et de bus bringuebalents, je traverse, et au milieu de la rue, cette symétrie colorée cadrée sur l'obélisque me laisse rêveuse, tu vas me manquer Argentine. J'aime me retrouver en toi. J'aime tes contradictions.